TAKIE LA SAUVAGE !

 Tachina fera au repos sur une graminée...

          Bien le bonsoir à tous !

Inachos me donne le sobriquet de Takie la sauvage ! Et ça le fait rire, le bougre... Aussi permets-moi de me présenter toute seule, afin que tu ne sois pas induit(e) en erreur dès le début de cet article !

Je suis une mouche, la Tachinaire sauvage, encore appelée communément la Tachinaire des chenilles et plus rarement l' Echinomyie sauvage. Ah ! je suis entièrement d'accord avec toi : ce dernier terme semble imprononçable ! Allez, je vais t'aider ! Répète plusieurs fois après moi :

[ é - ki - no - mi - ie ] ! Tu vois ... ce n'est pas la mer à boire ! ! !

Je te comprends ! Tu te dis que toutes ces appellations sont bien compliquées et que chacun de nous n'est pas comme Inachos à prendre plaisir dans la quête permanente de racines latines ou grecques... Eh bien cette fois, nous allons procéder différemment : ensemble, nous allons chercher un mot connu commençant par [ Taki ]. Vas-y ! je t'écoute...

Oui, tout à fait ! La tachycardie est une accélération du rythme des battements du coeur. Tu as compris ? La relation est établie dans ton esprit ? En effet, je suis bien une mouche extrêmement rapide et agile dans ses déplacements. 

Continuons ce petit jeu de vocabulaire avec un mot commençant par [ ékino ] : c'est un peu plus difficile mais pas insurmontable ! Parfait ! Epatant ! Tu me suggères avec raison "échinoderme", cet embranchement du règne animal auquel appartiennent, entre autres, les oursins. Et qui dit oursins dit ... piquants bien sûr ! ! !

Maintenant, prends le temps de cliquer sur les photos : ne trouves-tu pas que j'ai l'air d'un hérisson avec mes longues soies noires qui recouvrent mon corps ? Mais rassure-toi ! Moi, je ne pique pas...

                                      
Tu l'auras compris, avec un bon dictionnaire à portée de la main, on peut souvent faire des déductions quant au sens caché des noms apparemment incompréhensibles ! Mais revenons à moi si tu le veux bien...

Ma famille, les Tachinaires, est fortement représentée dans le monde entier et l'on compte quelque 500 espèces rien qu'en Europe centrale. C'est dire à quel point il est souvent difficile pour le naturaliste de déterminer l'espèce qui virevolte sous ses yeux ! ! !  

    

Aussi vais-je te donner quelques clés pour t'aider à me reconnaître... Toutes les Tachinaires appartiennent au sous-ordre des Brachycères, ce qui signifie que nous portons des antennes courtes. Bien sûr, comme toutes les mouches, j'appartiens prioritairement à l'ordre des Diptères car je ne possède que deux ailes, avec cette particularité cependant qu'elles sont colorées en jaune orangé à leur base. Mais vois toi-même sur le cliché ci-dessous ! 

Tachinaire sauvage surprise pendant sa toilette...

Bien sûr, ce qui frappe l'observateur, c'est mon bel abdomen orangé avec cette bande dorsale médiane noire, à bords assez réguliers et qui se termine en pointe : ce détail est très important pour ne pas me confondre avec ma cousine proche, la Tachinaire à grande corne (Tachina magnicornis). En effet, sa bande dorsale se caractérise par une succession de losanges noirs.

Encore une petite remarque quant à la pilosité de mes joues : à l'arrière de celles-ci, des soies d'un jaune très clair sont implantées en demi-cercle (tu peux voir cela très distinctement sur le cliché placé en début d'article).

Maintenant, je vais certainement t'étonner en t'affirmant que les Tachinaires comptent parmi les insectes les plus propres en ce monde. Pourquoi ? mais parce que nous sommes floricoles et non pas carnivores comme bon nombre d'autres mouches qui visitent tes poubelles ! Moi, je me délecte du nectar des plantes ainsi que du miellat que les pucerons y déposent.

De plus, je passe une grande partie de ma vie à faire très soigneusement ma toilette... Mais cela est le propre de toutes les mouches si je puis me permettre ce bon jeu de mots ! ! !

Par contre, si l'on m'a donné le qualificatif de "sauvage", que tu dois comprendre au sens de "bête féroce", ce sont mes bébés qui en sont responsables ! ! ! Car vois-tu, aussitôt mes oeufs pondus sur les végétaux, mes larves s'en échappent et pénètrent dans le corps de diverses chenilles qui passent à proximité, à raison d'un asticot par victime.    

On dit de ma progéniture qu'elle est endoparasite: cela signifie que mes impitoyables bébés deviendront adultes, en quinze jours environ, après avoir dévoré progressivement leur hôte en commençant par le corps gras afin de le garder en vie le plus longtemps possible puis en l'achevant par la destruction planifiée des divers organes... 

Cruel n'est-ce pas ?  

Peut-être...

Mais certainement pas autant que vous, les Humains, qui n'avez cessé depuis la nuit des temps de vous entre-tuer, menaçant ainsi la survie de votre propre espèce !  

 

Vois-tu, mes larves, qui sont certes endoparasites, ont un rôle essentiel dans la régulation des populations des larves de papillons.

Aussi doit-on aux Tachinaires tropicales plusieurs réussites de lutte biologique :

par exemple, contre les chenilles des "Foreurs" de la canne à sucre (Chilo sacchariphagus) dans l'île Maurice

 ou encore  

celles de la Zygène du cocotier et des palmiers à huile (Chalconicles catori Jordan) en Côte d'Ivoire...

J'espère, en ce jour nouveau, avoir bousculé quelques a priori sur "la" mouche dangereusement et universellement répugnante...

Aussi vais-je clore mon propos par cette citation éloquente et fondamentale du physiologiste Claude Bernard (1813 ~ 1878) :

C'est ce que nous pensons déjà connaître

qui nous empêche souvent d'apprendre !