CHARDON - MARIE !
Bonjour amateur de belles plantes sauvages !
On dit couramment que quiconque a croisé mon chemin ne m'oubliera pas de sitôt... Car il est vrai que je suis un chardon remarquable à plus d'un titre !
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Vois plutôt comme j'ai pu marquer les esprits, du pourtour méditerranéen où je pousse en abondance sur les sols acides et ensoleillés (décombres, friches, steppes rocailleuses) jusqu'au fleuve Loire qui marque la fin de mon implantation vers le Nord. Partout l'on me reconnaît même si l'on me désigne avec des noms différents : chardon - Marie, chardon de Notre - Dame, chardon argenté, chardon marbré, lait de Notre - Dame, silybe de Marie, épine blanche, artichaut sauvage... Mon nom scientifique est Silybum marianum. Si le terme Silybum désignait jadis en latin et en grec un "chardon comestible", tu devineras aisément que le qualificatif marianum est lié à la Vierge Marie.
En effet, une légende veut que celle-ci, voyageant d'Egypte en Judée, pour échapper à Hérode, aurait caché l'enfant Jésus sous un bosquet de chardons, à l'abri duquel elle lui aurait donné le sein. Quelques gouttes de lait seraient tombées sur les feuilles, d'où les nervures blanches que tu peux admirer sur les photographies ci-dessous.
Silybum marianum hivernant sous la forme d'une rosette de feuilles ; zoom sur les nervures blanches...
Un autre aspect remarquable de ma très belle personne sont les capitules, du latin capitulum qui signifie "petite tête". Oui, tu as deviné, je te parle de mes inflorescences perchées haut à l'extrémité de tiges solides et fières d'1,50 mètre pour les plus longues. Mes capitules solitaires sont entourés de grandes bractées recourbées, d'une longueur de 3 à 4 cm environ, dont l'extrémité de chacune se termine en une épine jaune particulièrement acérée, chaque bractée ayant elle-même un pourtour épineux.
Les capitules (diamètre compris entre 5 et 7 cm), dont la floraison a lieu de mai à août, caractérisent la famille des Astéracées (ou Composées). Le capitule constitue un type d'inflorescence spécifique : il s'agit de fleurs sans pédoncules, regroupées sur un réceptacle recouvrant l'involucre. Un involucre désigne une collerette de bractées, libres ou soudées ensemble, à la base d'une inflorescence.
D'ici, je t'entends déjà rognonner contre tous ces termes compliqués ! Mais, vois-tu, la botanique est avant tout un langage fondé sur l'observation précise des formes et des textures du règne végétal. Il te faudra donc les intégrer pas à pas pour partager les plaisirs de la connaissance. En botanique, le sens est dans la différence ! Si en entomologie, Inachos surfe avec une trentaine d'ordres d'insectes, en revanche, en botanique, il doit affronter l'imbroglio infernal de plus de 120 familles de plantes. Autant dire que ce qu'il sait n'est au fond qu'une lacune dans son ignorance ! ! !
Mais revenons à moi, si tu le veux bien... Mes fleurons, tous tubulés (en forme de tubes), sont de couleur pourpre violacé, purpurine voire rose violacé ou lilas. Un fleuron ?
C'est bien sûr la réunion de petites fleurs sur un seul involucre de bractées
semblant former une fleur unique.
Voici, en images, l'épanouissement d'un capitule !
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J'appartiens au Sous-Embranchement des Angiospermes caractérisés par la présence de fleurs qui, après la reproduction, se transforment en fruits. J'utilise deux types de pollinisation pour me reproduire : l'entomogamie et l'autogamie. Bon, je t'explique !
Un végétal entomogame assure sa pollinisation par l'intermédiaire des insectes. Une plante autogame "s'autoféconde", c'est-à-dire que sa fécondation s'effectue sans recours au pollen d'autres individus car chacune de ses fleurs présente les organes des deux sexes (étamines et pistil). Ce dernier processus est important pour moi car il me garantit une reproduction fidèle de ma descendance contrairement aux fleurs allogames...
Mes fruits sont de gros akènes luisants, noirs ou bruns marbrés de jaune. Des aigrettes blanches et soyeuses appelées pappus jouent le rôle de parachutes et permettent ainsi une dispersion de mes graines par le vent. Cette dispersion est dite "anémochore".
Le fleuron se flétrit, puis l'involucre se dessèche avant l'apparition des aigrettes dissimulant les graines.
Tout comme l'artichaut, j'ai la réputation de stimuler le foie et de favoriser la circulation de la bile chez les humains. En 1968, on isola de mon gracieux corps plantuleux la substance active responsable de ces effets thérapeutiques que les Grecs de l'Antiquité connaissaient déjà. Il s'agit de la silymarine, un complexe flavonoïde (les flavonoïdes sont responsables de la couleur variée des fleurs et des fruits, mais sont surtout une source importante d'antioxydants dans l'alimentation humaine) très efficace pour un type de malaises regroupés sous le vocable de dyspepsie. La dyspepsie est un ensemble complexe de symptômes digestifs plus ou moins directement liés à des troubles non fonctionnels (c'est-à-dire sans lésion organique) du système hépato-biliaire. Mais je sers également à la prévention et au traitement de divers troubles liés au foie : hépatite B et C, cirrhose, calculs biliaires, ictère (jaunisse) et dommages hépatotoxiques. De l'avis des cliniciens qui se servent de ma silymarine, cette dernière peut régénérer les tissus abîmés du foie en plus de protéger cet organe contre les effets des toxines naturelles ou bien synthétiques : champignons dont la terrible amanite phalloïde, morsures de serpents, piqûres d'insectes, alcool, solvants, produits de nettoyage, médicaments et dommages liés à la chimiothérapie... La silymarine que je renferme est certainement l'une des substances hépatoprotectrices les plus puissantes !
Certains chercheurs scrutent aujourd'hui son potentiel effet préventif contre les cancers de la prostate, de la peau et colorectaux. Une étude clinique a également montrée que la silymarine, extrêmement concentrée dans mes graines mûres, améliore le contrôle de la glycémie chez les diabétiques et réduit leur résistance à l'insuline...
Amateur de belles plantes,
si par mon exposé, j'ai su te séduire,
tu as maintenant deux choix pour m'accueillir en ton jardin !
Soit tu me sèmes dans un parterre pour mon esthétique beauté,
soit tu me plantes dans ton potager avec des intentions culinaires.
Il te suffira alors d'apprêter mes feuilles à la manière des épinards,
mes jeunes pousses à la manière des asperges,
mes boutons floraux à la manière des artichauts,
et mes graines torréfiées à la manière du café !
Je dois avouer que c'est effectivement dans leurs assiettes
que tes ancêtres européens
me préféraient...