MOLYTO AU LONG BLASE !
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Salut à toi, humain au pif camard ou aquilin !
Ce n'est pas si souvent que l'on se trouve nez à nez avec l'étrange individu que je suis ! J'en conviens ...
Aussi, avant de me présenter personnellement, j'aimerais t'entretenir de la grande famille à laquelle j'appartiens : celle des charançons qui compte environ 1500 espèces en France et pas moins de 70 000 dans le monde ! Impressionnant, non ?
Hélas, nous avons tous mauvaise réputation !
Pourquoi donc te demandes-tu ?
Eh bien, parce que nous sommes les plus nombreux et les plus nuisibles des coléoptères phytophages ( nous nous nourrissons uniquement de végétaux ! ). Nous sommes capables d'attaquer toutes les parties des plantes : racines, feuilles, bourgeons, fleurs, fruits, graines et même les grains stockés ! En conséquence, tu imagines bien que la moutarde monte au nez des jardiniers et agriculteurs lorsqu'ils nous découvrent ravageant leurs plantations... Quel pied (de nez !) nous prenons à les mener par le bout du nez ! ! !
Bon ! d'accord ! j'arrête les jeux de mots "nez" !
Je vais donc me présenter...
On me nomme communément le "Molyte" ou encore le "Charançon des carottes" chez les jardiniers. Mais mon nom scientifique est Liparus coronatus... Cela doit te sembler des termes bien hermétiques ! Pourtant quand on sait que Liparus signifie "gras" et que coronatus se traduit par "couronné", tout s'explique...
Regarde attentivement la photographie ci-dessous !
Vois comme mon abdomen est large, rebondi et dodu !
Effectivement, les mauvaises langues pourraient colporter que je suis grassouillet, voire obèse ... moi qui ne suis que trapu !
Si l'on ajoute à cela que je me déplace assez lentement dans la végétation basse où les obstacles naturels à franchir sont nombreux, on diagnostiquera à tort un hypothétique surpoids !
Il reste cependant un mystère à éclaircir...
Où se trouve donc la fameuse couronne ?
En fait, il s'agit de cette bande jaune clair à la base du thorax qui, j'en conviens, doit te faire plutôt penser à un élégant collier !
Tout s'éclaire, non ?
Si mon pote Inachos n'a cessé, depuis le début de cet article, à utiliser des expressions populaires dans lesquelles apparaît le substantif "nez", c'est que la nature m'a doté d'un "long museau" appelé "rostre" portant des antennes coudées et des pièces buccales à son extrémité... En raison de cet appendice proéminent, les entomologistes m'ont classé dans la sous-famille des Rhynchophores ( prononce bien "rinkofores" et pardon pour l'outrage à l'alphabet phonétique ! ! ! ), du grec ancien Rhyncho > museau, grouin, bec d'oiseau et de Phor > porter en avant ...
Chacune de mes antennes est formée de deux parties : un premier article très allongé dénommé "scape" et un second, le "funicule" (en latin = petite corde) terminé en massue.
Au repos ou lorsque j'enfonce mon "museau" dans une racine pour la déguster en profondeur, les scapes de mes antennes ont la particularité de s'insérer dans deux sillons nommés "scrobes", situés sur les côtés du rostre, afin qu'ils ne gênent en rien la perforation dans la matière végétale... Astucieux, n'est-ce pas ?
Je sais, tu te dis, il est confus ce sacré Molito !
N'aurait-il pas un verre dans le nez ?
Scape, scrobe, funicule ... mais de quoi parle-t-il ?
Un bon cliché légendé valant mieux qu'un long discours,
jette un oeil ci-dessous :
1 = scape 2 = funicule 3 = scrobe
Maintenant, il est temps de t'avouer pourquoi les maraîchers et jardiniers me nomment le Charançon des carottes et surtout pourquoi ils me font une chasse acharnée...
En mai - juin, ma femelle pond ses oeufs en terre, dans les sols envahis par les racines des plantes basses mais aussi par celles de végétaux beaucoup plus grands : les apiacées, appelées autrefois ombellifères. L'une des apiacées que l'on rencontre communément dans la nature est la carotte sauvage ( Daucus carota ).
Elle est une proche parente de la carotte du jardin à tel point que si on laisse "monter en graines" la carotte potagère, elle retourne rapidement à son prototype sauvage qui est théoriquement comestible mais en réalité, trop amer et fibreux pour être mangé...
Lorsque les oeufs éclosent, les jeunes larves, sortes de petits vers entièrement blancs éruciformes ( en forme de chenilles ) et apodes ( sans pattes ), se développeront d'abord sous terre jusqu'à environ 20 centimètres de profondeur. Au début de l'été, elles pénètreront dans les carottes du jardin par leurs extrémités inférieures et creuseront des galeries en remontant vers la surface, rendant inconsommables ces belles racines habituellement savoureuses...
Et si mes chers petits s'attaquent avec autant de plaisir aux cultures de carottes, c'est que les professionnels ont inscrit plus de 510 variétés au catalogue européen dont plus de 80 espèces poussent sur le territoire français. Elles sont sélectionnées pour leurs diverses couleurs, leurs formes et leurs goûts variés...
Comment, dans de telles conditions, ne pas être tentés ?
Vois par toi-même ...
Message important d'Inachos
à l'attention de ses amis lecteurs jardiniers
Afin que dame Liparus coronatus ne montre pas son nez et ne ponde pas
dans tes rayons de carottes, pense à les protéger dès le mois de mai
à l'aide d'un filet anti-insectes ...
Tu peux également cultiver côte à côte carottes, oignons et poireaux !
Et pour parfaire cet anti-molyte végétal, pense à planter ça et là
quelques pieds de Tanaisie ( Tanacetum vulgare ), communément
appelée Barbotine ou Herbe aux vers, qui est une excellente
" plante compagne " au potager
grâce à ses nombreuses propriétés
insectifuges et fongicides !
Sans ces simples précautions,
Molyto au long blase te rira au nez
en te privant de ta récolte,
comme ci-dessous ...
Il est intéressant d'observer sur la face ventrale du Molyte
ces taches squamuleuses jaune pâle
constituées de petites écailles membraneuses
et non de poils !
Avant de nous quitter, médite, ami jardinier cette maxime de Blaise Pascal ...
" Le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé."