ARACHNE PORTE-CROIX !
Bonjour à tous et bienvenue sur la toile !
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Je suis Araneus diadematus, plus connue sous les pseudonymes d'épeire diadème et surtout d'araignée porte-croix. Cette dernière appellation d'usage courant trouve son origine dans une célèbre légende chrétienne, rattachée à la Passion du Christ. Comment ? tu ne la connais pas ? Alors, puisque tu insistes, je vais t'en tisser la trame...
" En ce temps-là, Jésus Christ, agonisant sur la croix, était tourmenté par des dizaines de mouches qui se régalaient de son sang. Non loin de là, Araneus, mon vénérable ancêtre, eut pitié, quitta sa toile et grimpa vers son visage. Soigneusement, l'araignée broda une toile autour de la tête du crucifié qui bientôt disparut sous un voile grisâtre. Sa tâche accomplie, Araneus redescendit et rampa sur le sol vers sa propre toile. A cet instant, l'ombre de la croix tomba pile sur son dos. Satisfait d'avoir soulagé le condamné, mon ancêtre retourna lentement vers sa propre toile. Et là, médusée, l'araignée s'aperçut que la croix sur son dos n'avait pas disparu ! Depuis, on raconte que la reconnaissance de Dieu pour la compassion d'Araneus a été transmise à tous ses descendants qui portent encore aujourd'hui ce beau décor en forme de croix, situé au point le plus haut de l'abdomen tel un diadème enserrant le sommet d'une tête couronnée. "
Tu pourrais croire que cette histoire nous ait été salutaire ! Et bien, pas du tout ! Car au cours des siècles, les épeires porte-croix ont été les victimes de superstitions issues de cette légende. En effet, pour faire tomber la fièvre, pour soigner une infection pulmonaire ou stomacale, les Anciens avaient coutume d'enfermer l'une de mes aïeules dans deux coquilles de noix évidées et collées ensemble qu'ils faisaient porter autour du cou du malade... Je te laisse imaginer la terrifiante mort lente qui attendait chacune de ces épeires victimes de l'ignorance humaine et d'un sombre obscurantisme religieux !
Mais parlons d'autre chose... De mon nom vernaculaire, si tu en es d'accord ! En effet, "épeire" signifie en grec "nouer au-dessus", belle allusion à ma superbe toile tissée, (nouée) à bonne hauteur au-dessus du sol... Cette fameuse toile a fait la réputation de tous les membres de ma grande famille : les Aranéidés !
Toutes, nous bâtissons des toiles orbiculaires (en forme d'anneau), essentiellement verticales, généralement munies d'un robuste fil d'avertissement reliant le moyeu (le centre) dense à un abri situé au-dessus ou sur le côté. Cependant, attention ! Moi, Araneus diadematus, je fais exception à la règle car contrairement à la majorité des autres espèces de ma famille, je m'installe généralement au centre de ma toile et ne bâtis pas de loge.
Ma toile orbitèle, construite en cercles réguliers, mesure de 40 à 50 centimètres de diamètre et on compte, en moyenne, une trentaine de rayons. Sur le schéma ci-dessus, on distingue bien le moyeu dense, une zone de stabilisation de 6 à 8 spires, un espace sans enroulement et finalement la zone de capture faite de soie engluée dont chaque spire est distante d'environ 3 millimètres de la précédente.
Ma toile capture une grande variété d'insectes volants. J'emmaillote les plus gros mais délaisse les plus petits (tels les pucerons) que je consommerai au moment de la réfection de ma toile. En effet, je suis très pointilleuse, perfectionniste et écologiste ! Aussi, en principe, je ne répare jamais ma toile : si celle-ci est endommagée, je la reconstruis entièrement, plusieurs fois par jour si nécessaire... Et tu te doutes bien que, pour faire "des économies", je recycle la soie de l'ancienne toile en la consommant.
"Pelote" d'araignons prête à "exploser" à la moindre perturbation...
Une autre de mes fiertés sont mes petits ! Les juvéniles, jaunes et portant un triangle noir sur le "dos", émergent en mai de l'année suivante après avoir passé tout l'hiver bien au chaud, à l'abri d'un cocon de soie jaune caché dans la litière ou sous des écorces. Mes magnifiques bébés, une fois sortis de leur cocon, restent groupés en pelote une journée ou deux avant de s'envoler individuellement au bout d'un fil de soie qu'ils secrètent pour leur dispersion.
Ce ballet aérien est souvent surnommé le "phénomène des fils de la Vierge" (hé oui ! encore une référence religieuse...) mais les aranéologues appellent ce moyen de déplacement original le "ballooning". Je suis d'ailleurs très inquiète car mes chers petits araignons sont emportés parfois par les vents à des hauteurs très élevées, avoisinant les 30 mètres.
Le ballooning s'observe à toutes saisons mais, en France, plutôt au cours de deux périodes :
en été (juin à août) et à l'automne (octobre - novembre).
Grâce à ce mode original de déplacement,
les araignées se sont installées partout sur la planète.
Elles sont parmi les espèces pionnières
qui colonisent de nouveaux territoires
ou regagnent des milieux ayant été perturbés...
Inachos