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ARTHROPOMANIA BOTANICA
10 février 2015

TOILE D'ARAIGNEE DE SAUVETAGE !

 DSC_2651

Oui  ! Tu as bien lu... Je vais t'entretenir d'une "toile d'araignée" qui a servi de modèle à la fabrication d'un engin de sauvetage pour les marins naufragés. Cette toile, bien entendu, c'est ... la mienne ! ! !

Saurais-tu dire qui je suis ?

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Attention, l'horloge tourne !

Non ? Tu ne trouves pas ? un petit indice alors ? Je suis forcément une araignée aquatique... 

Plus que quelques secondes de réflexion : tic, tac, tic, tac...

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Mais bien sûr, Argyronète (Argyroneta aquatica) est mon patronyme !  Peut-être souhaiterais-tu voir ma photo ? Mais je t'en prie, ... admire !

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Clique sur les photos de cet article pour les agrandir !

Tu vois ! J'ai réalisé depuis bien longtemps un vieux rêve des hommes : construire sa demeure sous les eaux !

Inachos me racontait à l'instant que son vieux pote, le philosophe Aristote, mentionnait déjà dans ses écrits une cloche à plongeurs qu'aurait employée Alexandre le Grand en 332 avant Jésus-Christ. Baptisé Columpha (ou Colympha), l'engin était formé d'un "grand tonneau de verre ouvert sur le bas". Grâce à cette invention, le célèbre Alexandre aurait exploré les fonds méditerranéens à environ 10 mètres sous la surface... Tiens, j'ai même retrouvé une preuve en image d'Alexandre le Grand dans sa Columpha... Fabuleux, n'est-ce pas ?

Alexander_the_Great_diving_NOAA

Peinture anonyme du XVIème siècle

Mais il est temps que je t'explique de quelle manière je fabrique ma maison sous-marine ! Je construis, avec ma propre soie, une habitation en forme de cloche, ouverte au fond, que j'amarre ensuite soigneusement à quelles plantes aquatiques, à l'aide de 3 ou 4 câbles de mouillage. Crois-moi, c'est du boulot pour une petite araignée d' 1 centimètre de long ! Et puis, évidemment, une fois terminée, la cloche est pleine d'eau ! Je ne suis pas un poisson ! Je ne peux pas respirer dans l'élément liquide ! Alors que faire ?

Tu veux connaître mon secret ?

Eh bien, je remonte à la surface en nageant, j'émerge, j'emprisonne dans mes poils une certaine quantité d'air puis je replonge, emportant avec moi une belle bulle brillante que je relâche dans ma maison. Après quelques voyages, mon habitation est sèche et je peux m'y installer pour guetter l'imprudent alevin qui est une proie de choix !

Je passe maintenant la parole à Inachos qui voudrait t'expliquer comment la nature m'aide à éviter l'asphyxie...

En effet, si moi humain inapte à tisser une toile, je m'installais comme dame Argyronète au fond d'une mare, dans un tonneau par exemple, je devrais aller chercher sans arrêt de l'air "frais" afin de ne pas m'asphyxier dans mes rejets de gaz carbonique, le dangereux CO2. Alors, comment notre araignée peut-elle rester si longtemps dans sa maison sous-marine sans aller quérir trop souvent, et à intervalles réguliers, des bulles d'air à la surface ?

La réponse réside dans une propriété exceptionnelle de sa toile : un échange osmotique (interpénétration) à travers la paroi de soie qui permet au CO2 produit par l'araignée d'être absorbé par l'eau et à l'oxygène de l'eau (02) de venir enrichir l'atmosphère intérieure de la cloche.  

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En fait, les "murs" de soie fonctionnent comme un appareil régénérateur qui maintiendrait un équilibre constant entre les pressions partielles d'oxygène et de gaz carbonique dans l'air interne et dans les eaux environnantes.

Formidable, non ?

Il est passionnant d'apprendre qu'à la fin des années soixante, des chercheurs américains, employant de très fines membranes poreuses en silicone inspirées des "murs de la maison aquatique" de l'Argyronète, ont réussi à maintenir en vie des souris et des cobayes prisonniers, au sec, dans une cloche hermétique entièrement submergée... Mais assez bavardé ! Je te laisse à nouveau en compagnie de ma copine "Argie" pour la suite de cet article...

Merci Inachos ! Tu te rends compte maintenant, amie lectrice, ami lecteur, que la technologie très avancée de ma cloche avait de quoi faire rêver plus d'un inventeur... En effet, dans sa conquête des fonds marins, l'homme a piétiné durant des siècles. Les cloches à plongeurs de la Renaissance ne pouvaient qu'emporter au fond, à moins de 80 mètres, leur contenu d'air à la pression atmosphérique et, plus profond elles descendaient, plus l'eau montait à l'intérieur. Par ailleurs, la respiration des plongeurs polluait rapidement l'atmosphère de ces cloches...

Bref ! Pour résumer cette longue épopée, c'est en 1690 que le physicien, astronome, météorologue anglais Edmond Halley a inventé la première véritable cloche à plongeurs, en piratant le brevet déposé de ma toile, bien sûr ! ! ! Certes, bien des gens ont oublié la "cloche de Halley" car son nom reste attaché à la brillante comète dont il calcula la trajectoire et annonça, un demi-siècle à l'avance, le retour au voisinage du Soleil...

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                               Edmond Halley vers 1721

                                  par le peintre Godfrey Kneller

La cloche à plongeurs de Halley était formée d'une chambre de bois étanche recouverte de plomb afin qu'elle puisse résister à la pression, ce métal lourd servant également de lest. L'air y était renouvelé, régénéré par l'apport régulier depuis la surface de tonneaux d'air frais qui étaient ouverts sous la cloche. Deux hommes pouvaient y prendre place. Le système permettait également des sorties grâce à un casque relié à la cloche par un tuyau... Prévue pour une profondeur maximale de 18 mètres, cette cloche permit d'effectuer de nombreux travaux subaquatiques (digues, piles de pont...) jusqu'à l'invention de scaphandres fiables.

0028         Cloche de Halley         0027

Représentation schématique de la cloche de Halley

Mais voici le moment que tu attends avec impatience ! Il est vrai qu'Inachos et moi-même avons été un tantinet volubiles !

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Ce que je vais te raconter est extrait d'un article de presse paru en 1939. En effet, le sauvetage des 33 survivants du submersible américain "USS SQUALUS", coulé en mai 1939 par 74 mètres de fond au large du New Hampshire, sauvetage effectué grâce à une cloche sous-marine, a passionné l'opinion publique et piqué sa curiosité. C'est qu'en effet, pour la première fois, un tel appareil était utilisé et qu'une telle réussite devait être enregistrée !

D'un poids d'environ 10 tonnes, d'une largeur maximale de 3 mètres et d'une hauteur approximative de 5 à 6 mètres, la cloche affecte la forme que reproduit succinctement le schéma ci-dessous :

337_001 A

Cette cloche de sauvetage se compose essentiellement de 2 compartiments (1 et 2)

Compartiment n°1

C'est celui dans lequel prennent place les naufragés et où se trouvent tous les appareils de commande manoeuvrés par un mécanicien qui descend avec la cloche et qui est chargé de sa conduite.

Compartiment n°2

Il ne comporte pas de fond, son rôle étant, d'une part, d'assurer la "soudure" étanche de la cloche au sous-marin échoué et, d'autre part, de servir de sas d'évacuation pour les naufragés une fois la cloche bien en place.

Alors, prêt(e) pour la manoeuvre ?

Le navire convoyeur "USS FALCON" achemine la cloche à l'emplacement du naufrage.

Cloche pour Squalus détail 1

Des plongeurs descendent alors sur le sous-marin et contre ses flancs.

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Après quoi, un treuil dévide le câble d'acier qui porte la cloche et celle-ci descend à son tour. Quand elle arrive à hauteur, les plongeurs s'en saisissent, la guident jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à placer le bord inférieur de cette dernière, dans un système d'emboîtement (D) prévu sur le kiosque du sous-marin.

A cet instant, la cloche est en place et une seconde opération peut commencer. Le compartiment n°2 étant chargé d'eau, le mécanicien, placé dans le compartiment n°1, refoule cette eau à l'extérieur par les ouvertures B pratiquées sur la paroi métallique de la cloche, en projetant violemment de l'air comprimé. Ainsi, il vide complètement le compartiment n°2. 

Il se trouve alors que la pression extérieure de l'eau de l'océan est plus forte que la pression intérieure du compartiment ainsi vidé et cette différence de pression assure l'adaptation parfaitement étanche de la cloche au sous-marin.

Parvenu à ce stade, le mécanicien n'a plus qu'à ouvrir la porte A qui fait communiquer le compartiment n°1 au compartiment n°2. Puis les marins emprisonnés ouvrent à leur tour le capot du kiosque du submersible, aidés par le mécanicien si nécessaire. Ceux-ci peuvent donc dès lors passer en toute sécurité de leur prison d'acier dans le compartiment n°2 d'abord, puis de là dans le compartiment n°1.

337_003

Le premier compartiment de la cloche (n°1 du schéma) et la porte étanche, ici ouverte,

qui donne sur le compartiment n°2 que l'on aperçoit au fond.

Alors commence maintenant le programme d'opérations inverses. On referme le capot du kiosque du sous-marin, on verrouille la porte inférieure du compartiment n°1 et le mécanicien, ouvrant les accès de sortie du compartiment n°2, laisse celui-ci s'emplir d'eau.

A cet instant, la cloche peut être relevée !

Le navire convoyeur la remonte lentement. Si le mouvement de levée est trop rapide, le mécanicien le corrige en alourdissant la cloche par le remplissage de bacs situés dans le compartiment n°1 et qui peuvent être plus ou moins remplis d'eau grâce aux ouvertures C. Si, au contraire, le mouvement est trop lent, il allège la cloche en vidant ces bacs...

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Après la première remontée, les survivants sortent par un étroit goulot.

Pour la première fois, une cloche de plongée, mise au point et dirigée par Charles Momsen, a permis de sauver 33 sous-mariniers (sur 59 membres d'équipage embarqués). 

Charles_Momsen

Le Vice-Amiral de l'US Navy Charles Bowers Momsen (1896-1967)

 

Lorsque les hommes évoquent les animaux dangereux, ils parlent volontiers des requins, des serpents et des araignées...

J'espère simplement, qu'après avoir lu ce long témoignage d'espoir, tu regarderas les aranéides d'un tout autre regard !

                                                                                              Inachos

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